À la mode des mots dits

Ecouter Confucius dans le bus, Bergson en Harley-Davidson, et Céline en faisant la cuisine… Quoi de plus alléchant ! Pourtant, les livres sonores, qui permettent « d’entendre lire » l’œuvre d’un auteur, ne se vendent pas encore comme des petits pains, du moins en France. Alors que plus de 10% du marché de l’édition est grignoté par les « audiobook » aux Etats-Unis, 5% en Grande-Bretagne, et 3% en Allemagne, la France n’en consomme que 1% !

 
Photo : Camille Pinet, Le Magazine.info
 
Si les mastodontes de l’édition se sont récemment lancé dans le marché international des « audiobook  », ils ne font pas encore recette dans l’Hexagone. Telle est la constatation – voire consternation – de Paule de Boucher, directrice de la nouvelle collection « Ecoutez Lire » de Gallimard qui propose depuis 2004 un catalogue de 60 titres audio. Du théâtre au policier, de la poésie à la bande dessinée, ce sont ainsi plus de 1 500 titres que l’on peut découvrir sur Audible.fr, filiale de France Loisirs. Lancé en 1997, ce site de téléchargement compte déjà 400 000 clients et espère en séduire cent mille de plus d’ici 2008 ! « Doubler votre temps » tel est son slogan. Ecoutez les Frères Karamazov de Dostoïevski en trois heures au lieu de les lire en trois jours : autant de nouvelles possibilités « d’écouter lire ». 
 
Ecouter l’illisible
 
Pourtant le livre audio n’est pas nouveau. Dès les années 50, on pouvait écouter un livre sur vinyle. En 1980, les bibliothèques proposaient déjà des livres sonores gratuits pour les malvoyants. Mais ils ne leurs sont désormais plus exclusivement réservés. « C’est aussi stupide que d’associer le livre papier aux seuls malentendants ! » s’emporte Patrick Frémeaux, directeur des éditions Frémeaux et Associés. Avec un catalogue de 6500 titres, sa maison d’édition assure 60 % des ventes dans le secteur du disque parlé. Car le livre audio ne se substitue pas au livre papier. Il est complémentaire. Et nombreux sont ceux qui achètent les deux afin d’enrichir leurs lectures.
 
Les livres sonores proposent une offre inexistante en version papier : des textes lus par les auteurs eux-mêmes, des commentaires, des témoignages ou encore des archives. Ainsi, la version sonore d’Apprendre à vivre de Luc Ferry contient-elle des improvisations de l’ancien ministre de la Culture. Dans le même esprit, un enregistrement inédit datant de 1960 de La gloire de mon père fait résonner la voix nasillarde de Marcel Pagnol, lisant ses propres mots. Et nul besoin d’aller jusqu’à Caen pour assister aux cours de philosophie de Michel Onfray, qui commente sa Contre Histoire de la Philosophie dans un coffret de 10 CD, déjà vendu à 250 000 exemplaires.
 
Ecouter l’indicible
 
Alors que ce marché s’envole chez nos voisins, il ne décolle pas encore en France. Pourquoi ? Motus et bouches cousues. Même Audible.fr, leader sur le marché des « audiobook », n’ose se prononcer. Malgré les faibles chiffres des ventes actuelles, de plus en plus nombreuses sont les maisons d’édition qui se lancent dans l’aventure des livres audio.

L’engouement est lent, mais frémissant : « Nos ventes ont atteint 90 000 livres audio en 2004, soit 15% de plus que l’année précédente  » souligne Arnaud Mathon, gérant des éditions Livraphone. Les balbutiements du livre audio sont liés aux frais qu’il engendre : entre le coût de l’enregistrement, des lecteurs et les droits d’acquisition de l’œuvre, il y a de quoi être frileux. Et c’est au client de payer, en moyenne, 5 euros de plus pour le livre en version audio. Pour légitimer ce surcoût, une solution serait de publier le même livre simultanément dans sa version papier et audio. Les auditeurs n’auront alors plus qu’à tendre l’oreille…



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Le 10 novembre 2007

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