Dommage qu’elle soit une putain

Le théâtre des Amandiers de Nanterre accueille l’œuvre sulfureuse et magnifique de John Ford, Dommage qu’elle soit une putain. Une pièce revisitée par le metteur en scène Stuart Seide qui réunit une distribution jeune et dynamique.


Annabella et Giovanni - Crédit : PIDZ

Avec Shakespeare, John Ford est l’un des auteurs référents du théâtre élisabéthain. Au XVIIe siècle, c’est en effet le soutien de la reine d’Angleterre Elisabeth I qui permis à l’art théâtral de se développer malgré l’hostilité du gouvernement puritain. Dans les banlieues de Londres s’ouvrirent ainsi les premiers théâtres, accueillant les classes sociales les plus variées. Pendant que les auteurs français s’évertuaient à respecter la règle des trois unités (de lieu, de temps et d’action), les Anglais bousculèrent toutes les conventions pour plaire à un public de plus en plus éclectique. La scène élisabéthaine était nue, seuls les mots tenaient lieu de décors, les images favorisant l’écoute et l’imagination. Dans cette époque de guerre et de religion, les questions tournaient essentiellement autour du pouvoir, de l’ordre et de la foi.

Noces de sang

Au milieu du chaos et du doute, les personnages de Ford doivent trouver une issue favorable à leurs désirs. C’est dans l’inceste qu’ils trouvent leur expression la plus forcenée, la plus redoutable. Giovanni (interprété par Azeddine Benamara) brave, malgré leur gravité, les recommandations de son tuteur (un moine prédicateur joué par Sébastien Amblard). Avec sa sœur Annabella (Chloé André), ils jurent de pouvoir s’aimer ou de mourir. Pour garder cette passion secrète, Annabella accepte d’épouser Soranzo qui la désire. Mais ce dernier découvre le scandale : Annabella est enceinte avant que le mariage n’ait été consommé. C’est dans un bain de sang que s’achèvera la noce.

Du sang neuf aux Amandiers

La distribution de Stuart Seide est jeune et particulièrement dynamique. Elle confère à la représentation une vivacité propre aux ateliers d’école et aux conservatoires. Derrière les grimaces, les costumes et les hystéries des comédiens, on devine ce qui les inspire, leurs désirs et leurs aspirations artistiques. On découvre un jeu riche de leurs fantasmes d’acteur et de ce qui les fait rêver. On les regarde saigner, crier, rire, pleurer, jouir… En somme : on les regarde se faire plaisir ! Cet enthousiasme juvénile n’aura donc aucun mal à séduire un public attentif à tout ce qu’ils essaient de réinventer. La mise en scène reste assez convenue, faite parfois de bric et de broc, cherchant, comme au temps de Ford, à susciter des images plutôt qu’à tomber dans le réalisme de l’illustration. Pour autant, le metteur en scène s’est autorisé quelques fantaisies avec le texte en y associant des extraits de William Shakespeare, Thomas Campion, John Donne ou Robert Herrick. Nul doute que la qualité de la représentation tient surtout en la présence de Caroline Mounier (qui joue Putana), Anna Lien (Vasquès), ou encore Christophe Carassou (Soranzo), qui y sont pour beaucoup dans le succès de la soirée. Qu’il est bon qu’un grand théâtre comme celui des Amandiers prenne le risque d’ouvrir ces portes aux nouvelles générations. Bravos !


Dommage qu’elle soit une putain de John Ford au théâtre Nanterre-Amandiers, jusqu’au 17 juin 2007, mise en scène de Stuart Seide – à 20h30 (dimanche à 15h30) avec Sébastien Amblard, Chloé André, Azeddine Benamara, Mounya Boudiaf, Christophe Carassou, Jonathan Heckel, Anna Lien, Caroline Mounier. www.nanterre-amandiers.com


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Le 12 juin 2007

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