Les manuscrits du déluge

Après l’adaptation des « Muses Orphelines » jouée au théâtre Tristan Bernard en 2004, voici « Les manuscrits du déluge », une nouvelle pièce de Michel Marc Bouchard, auteur québécois à succès. Une réflexion douce-amère sur la vieillesse, mise en scène par Laurence Renn et servie par des comédiens épatants.

Des pluies diluviennes se sont abattues sur une petite bourgade isolée. La vague de boue a éventré la salle d’Ecritures où des habitants se retrouvaient pour écrire scrupuleusement les évènements de leur vie : les grands comme les petits, l’arrivée de la mini-jupe comme la chasse du petit gibier. En plus de l’église et de la mairie, le déluge a emporté une grande partie de leurs précieux manuscrits. Maintenant, tout est à refaire. Mais pourront-ils vraiment se rappeler de tous les évènements qui ont jusque-là composé leur vie ? Secondé par Danny-l’Enfant Seul, l’unique enfant demeuré au village, Samuel, le chef de cette petite troupe d’écrivains amateurs, entreprend d’immortaliser leur œuvre au moment même où ils ont envie de tourner la page et d’abandonner ce rituel.

Peut-on réécrire le passé ?

Avec une vingtaine de pièces traduites dans plus de dix langues, Michel Marc Bouchard est un des dramaturges québécois les plus prolifiques. Il use ici avec habilité de l’humour pour évoquer sans faux-semblant le désarroi de l’âge, les assauts des souvenirs, la posture de l’historien et la peur de disparaître. Chacun des cinq personnages est confronté à un dilemme : reconstruire son passé ou faire un saut dans l’avenir. Le déluge est une métaphore de cette confrontation qui éclate entre le passé qui s’éteint et le futur qui reste à inventer. Est-il vraiment possible de lutter contre une disparition inévitable ? Que faut-il sauver de notre monde ? Au spectateur d’en débattre en se souvenant de quelques-unes des vives répliques échangées entre Danny et Samuel : « Je suis fatigué », « normal, tu es jeune », comme dans un match comique opposant les anciens, les jeunes et tous les préjugés

Une distribution excellente

En usant d’une mise en scène simple mais évocatrice, Laurence Renn a su parfaitement retranscrire l’atmosphère de déluge : une bibliothèque branlante, un banc en bois, des costumes maculés de boue, une lumière sombre et quelques sons d’hélicoptères évoquant les secours, au loin. Au milieu de ce décor chaotique, tous les comédiens sont parfaits. Dans cette galerie de personnages attachants, les caractères s’affirment et les rêves enfouis se dévoilent progressivement. Samuel, l’autoritaire responsable du groupe d’écriture féru de figures de style est incarné par un Henri Garcin très touchant malgré son apparente dureté. Anna Gaylor, déjà remarquée au cinéma dans des films comme « Le Cœur des Hommes » de Marc Esposito ou le dernier Philippe de Broca « Vipère au poing » interprète Marthe, la fidèle sœur de Samuel. Quant à Claire, l’amie de Marthe, une veuve collectionneuse de maximes, elle est jouée par une truculente Michèle Simmonet, tandis que Philippe Laudenbach et la charmante Antoinette Moya donnent vie au couple formé par le râleur William et la coquette Dorothée. Une attention toute particulière mérite d’être accordée à Julien Cottereau qui livre au spectateur une prestation formidable d’un Danny à la fois drôle, dynamique et profondément émouvant. Au final, même si l’ensemble manque parfois de rythme, cette pièce pleine d’humour reste un moment de réflexion sur le rapport intime au destin et au temps, tout en offrant l’occasion d’admirer de très bons acteurs.


« Les Manuscrits du déluge »

de Michel Marc Bouchard

Théâtre Tristan Bernard

64 rue du Rocher Métro Villiers

Résa : 01 45 22 08 40

Jusqu’au 30 Novembre, du mardi au samedi à 21 heures, le samedi à 18h.


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Le 25 septembre 2006

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