Le viol à grande échelle constitue l’un des fléaux de la guerre qui ravage la RDC depuis 1996. Lemagazine.info a rencontré Gaspard-Hubert Lonsi Koko, président de l’Union du Congo, un collectif d’associations congolaises oeuvrant pour la paix. Il lance une campagne de sensibilisation contre les violences faites aux femmes et aux enfants congolais. Interview.
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Lemagazine.info : Quelle est l’origine de la guerre ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : La guerre débute en 1996 avec l’AFDL (Alliance des Forces démocratiques pour la Libération du Congo), dirigée par Laurent Désiré Kabila, soutenu par les Rwandais, les Ougandais et les Burundais venus à Kinshasa pour chasser Mobutu. Une fois Kabila installé au pouvoir, il s’est retourné contre ces alliés rwandais qui sont repartis à l’Est mais sont restés au Congo pendant plus de cinq ans. La guerre s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. La présence de génocidaires au Congo donne un prétexte au Rwanda pour agresser le pays, sachant qu’ils sont cautionnés par des puissances occidentales, notamment anglo-saxonnes. Les Tutsisveulent construire la république des volcans, s’emparer de la partie du Congo très riche en minerai pour s’agrandir géographiquement, et instaurer une hégémonie tutsi dans la région des Grands lacs.
Lemagazine.info : Comparé à l’Irak ou à l’Afghanistan, on parle relativement peu du Congo. Pourtant les combats qui ravagent une partie du Congo depuis 1996 ont déjà fait des millions de morts. Comment expliquez-vous cela ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : La communauté internationale ne médiatise pas ce conflit du fait de toutes ses implications et des enjeux sous-jacents. Des firmes internationales financent des pays frontalierscomme l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi pour piller les richesses naturelles du Congo. Les Rwandais, les Ougandais et les Burundais veulent quant à eux occuper l’espace congolais, notamment la région du Kivu. Les uns financent cette guerre pour les richesses congolaises, les autres attaquent le Congo pour récupérer une partie de son territoire. Ils veulent balkaniser le pays pour pouvoir s’agrandir à leur tour.
Lemagazine.info : Dans ce conflit, les femmes et les enfants sont particulièrement victimes de violences sexuelles. Quelle ampleur représente ce phénomène ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Depuis 1996, ce conflit a fait au moins huit millions de morts, et des milliers de femmes et de filles ont été violées. On ne peut pas dire avec exactitude combien de femmes sont touchées, car beaucoup n’ont rien dit. Lorsque l’on viole nos femmes et nos enfants, nous sommes nous-mêmes mentalement violés. Il est de notre devoir de défendre notre peuple mais aussi de faire en sorte qu’il y ait des procès pour que les auteurs de ces crimes contre l’humanité soient à leur tour punis. Il faut qu’il y ait des sanctions pénales contre ces criminels.
Lemagazine.info : Le féminicide constitue-t-il une arme pour déstabiliser la RDC ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Pour les Congolais, éduquer une femme c’est éduquer toute la nation. Violer une femme congolaise, c’est le Congo que l’on viole. C’est une façon d’humilier le peuple congolais, et aussi une façon de s’attaquer à la matrice congolaise. C’est une manière pour les Rwandais de s’infiltrer au sein du Congo en faisant des enfants à des Congolaises qui deviendront des Rwandais.
Lemagazine.info : Que fait la communauté internationale pour lutter contre ce phénomène ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : La communauté internationale, par l’inertie de la Monuc (ndlr : Mission des nations unies en République démocratique du Congo), a déjà montré ses limites. En s’interposant entre les rebelles et un gouvernement légitime, elle a accepté de fait la partition de la République démocratique du Congo. Si elle ne veut pas s’impliquer dans la guerre, elle peut au moins protéger les civils, même s’il revient aux Congolais eux-mêmes de libérer leur pays, de s’armer et de défendre le territoire et sa souveraineté politique. Mais l’armée congolaise est en pleine restructuration et est frappée d’embargo sur les armes. Comment peut-elle défendre son territoire si elle ne peut même pas acheter d’armes ?
Lemagazine.info : Existe-t-il un moyen pour protéger les femmes ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Nous demandons que les auteurs de ces viols soient punis. Or ils sont réintégrés dans l’armée congolaise, forment des partis politiques et restent impunis. Pour le président Kabila, la paix passe avant tout et il ne veut sanctionner personne. Le rôle de l’armée congolaise est d’assurer la sécurité dans tout le territoire national. Or elle ne le fait pas. Il faut que les familles aient la possibilité de porter plainte devant la justice congolaise ou devant la Cour pénale internationale. Malheureusement, elles n’ont pas cette possibilité, car l’État congolais ne joue pas son rôle en n’assurant pas la protection des victimes qui veulent porter plainte.
Propos recueillis par